Aujourd’hui, lorsque l’on fait un peu attention à ce qu’il se dit sur les blogs, dans les conférences, les cours traitant du marketing contemporain, on ne peut pas passer à coté des réseaux sociaux … et des termes « communautaire » et « communautés ». Ce qui me chagrine un peu c’est que, pour la plupart des gens, ces mots sont arrivés avec Facebook et ses pages fans ou ses groupes. J’ai envi de dire FAUX. Dans cet article je vous propose de revenir aux sources de ma vision du du communautaire, comment je l’ai vu naitre et comment je la vois se transformer.
Non les communautés et les réseaux sociaux ne sont pas né(e)s avec Facebook …
Est-ce jeter un pavé dans la marre de dire ça ? Je ne pense pas. Tout le monde le sait, ce n’est pas nouveau, Facebook n’a pas créé le communautaire, n’a pas créé le social, n’a pas créé le réseau … Mais il le montre au grand public.
Nous n’allons ni revenir dans l’histoire des réseaux sociaux, ni dans sa définition réelle, quoique ça ne pourrait pas faire de mal.
Un réseau social est un ensemble d’entités sociales tel que des individus ou des organisations sociales reliés entre eux par des liens créés lors des interactions sociales.
Source : http://www.techno-science.net/
Ah mince, je ne vois pas dans la définition : « CF : Facebook ». Tout simplement parce que Facebook est un média social.
Un groupe d’applications en ligne qui se fondent sur la philosophie et la technologie du Web 2.0 et permettent la création et l’échange du contenu généré par les utilisateurs
Source : Andreas Kaplan et Michael Haenlein
Vous l’aurez compris, un média social est un outil mis à disposition des réseaux sociaux mais un réseau social n’est pas un média social. Je pense que nous sommes donc dans notre droit de nous demander : » Mais alors quand on nous dit que Facebook est le premier réseau social au monde, on nous ment (et mentir c’est mal)!? » En fait on ne vous ment pas, on vous induit juste en erreur dans le sens où l’on suit la règle de « L’effet du petit monde » ou « les 6 degrés de séparations » de Stanley Milgram (expérience de 1967, oui oui Facebook n’existait pas).
Deux personnes qui ne se connaissent pas ont en moyenne six intermédiaires pour se rencontrer. C’est sur ce schéma que Viadeo construit son système de mise en relation d’ailleurs.
En regardant le schéma ci-dessous, on s’aperçoit finalement que Stanley Milgram à prouvé l’importance d’avoir un réseau professionnel conséquent pour pouvoir être mis en relation avec cette fameuse personne B. La plupart du temps une opportunité découle d’une suite logique de rencontres opportunes. Un ami vous présente un autre ami, qui lui à un ami qui cherche une personne comme vous, ce qui fait que nous appartenons à un réseau ! Même toi, jeune internaute, qui ne veut pas t’inscrire sur Facebook. Tu n’y peux rien, c’est comme ça.
Schéma du petit monde de Milgram. Source : Wikipedia
Si j’ai parlé de notre ami Stanley c’est avant tout pour pointer du doigt le fait que cette question de réseau était abordée avant que le premier média social existe … Le terme de réseau social à vu le jour en 1954, les réseaux sociaux sur internet en 1995 aux USA … et en 2004 au niveau mondial. Vous l’aurez compris Facebook et les autres médias sociaux n’y sont pour rien …
Pourquoi cet article s’appelle : « Les communautés : Retour aux sources »? Pour moi, c’est là où se situe le problème. Le terme réseau social a complètement volé la vedette aux communautés, aux forums, aux newsgroups, aux chans IRC. Et pour moi qui suis né dedans, j’avoue que ça m’attriste. Alors que le monde communautaire est né dans le partage, l’altruisme et le nous (l’union fait la force), nous pouvons voir que les réseaux sociaux nous proposent au contraire une communauté basé sur l’égoïsme, le pillage et le moi (l’oignon fait la farce). Je vous entends, bien sur que voulez des preuves, des indices, des signaux. Quid de l’évolution
1. Quand je me pose une question
Il y a 10 ans : Sur un forum, on posait notre question, on avait une réponse claire et précise dans la journée, car on avait bien choisi le forum et le lieu où poser notre question. Sur IRC, on rejoignait un channel correspondant à la catégorie de notre question et l’on posait notre question, une réponse arrivait presque instantanément. Par téléphone, on appelait tout simplement notre ami expert dans le domaine pour qu’il puisse nous répondre. Dans tous les cas on avait une réponse rapide et efficace.
Aujourd’hui : Sur Facebook, on pose une question sur notre mur en attendant d’avoir une réponse. Après avoir eu 3 messages de personnes qui te demandent des nouvelles, et avec l’espoir que l’expert qui est dans tes amis soit devant son ordinateur, tu as une réponse rapide, pas forcément clair, car on ne prend plus le temps d’expliquer. Et du coup, tu te lances dans une conversation sans fin, car celui qui t’explique comprend très bien son sujet, mais n’est pas pédagogue et toi tu es complètement perdu dans ses explications.
Sur Twitter, tu as combien de followers ? Tu es influent ? Tu as déjà parlé à quelqu’un ? Sinon n’y pense même pas, 140 caractères pour expliquer quelque chose, tu vas recevoir un lien vers un forum suite à une requête Google, faite en 2 min pour te dire, au final, que Google est ton ami … et ça, c’est si tu as de la chance ….
Sur Google : Oui Google ! Parce que tu as perdu l’habitude d’aller sur un forum poser une question ou tout simplement parce que tu ne sais plus où aller parce qu’on vient de te dire sur Twitter que Google était ton ami. Mais ne t’en fait pas si tu viens poser la question sur un forum, on te dira la même chose …. Donc autant faire une recherche sur Google, et attention à la question que tu vas lui poser.Car tu risque de tomber sur un topic de 2007 sur « comment ça marche ? » qui n’est plus d’actualité, qui répond complètement à coté de ta question. Il faut dire que LA question ne correspond pas à TA question … Et puis finalement tu vas tomber sur un membre du forum qui répond à la question mais juste en dessous un autre dira le contraire puis ainsi de suite … Parce que maintenant, nous sommes prêts à dire toutes les conneries du monde pour avoir un « merci » ou « qu’est ce que j’aurai fait sans toi » ou « tu es mon dieu » !
En gros quand tu as une question aujourd’hui, il vaut mieux être influent si tu veux avoir des réponses. Certains seraient prêts à te donner des milliers de réponses, juste pour avoir un merci de ta part …
2. Quand on te demande combien ta communauté compte de membres, tu réponds j’ai 2345 fans … et 749 followers
Ah ! Donc ta communauté s’arrête à Facebook et Twitter et ça va ? Tu as du travail ? En stratégie marketing et en déploiement d’information, la première chose qui vient à l’esprit c’est : On va créer une page Facebook … 700 Millions de personnes quand même … (Chiffres Facebook – En comptant les fakes, les doubles comptes, les disparus, les gens qui ne sont pas actifs et le monde). J’ai eu la chance d’être juré d’une étude de cas dans une école de marketing. Dans leurs briefs ils devaient trouver un moyen pour faire connaitre l’activité de leurs clients (customisation). Bien évidemment dans les recommandations, nous avons vu : « Nous allons utiliser Facebook, en créant une page pour notre client, comme ça tous les fans de custom vont venir discuter … Facebook c’est quand même 700 millions de blabla …. » Et ce fut le cas pour tous les groupes que j’ai vu passer.
Je leur ai posé la question suivante à la fin de leur oral : donc pour vous, créer une page sur Facebook est une stratégie viable pour attirer de nouvelles personnes vers votre client ? Ils me répondent « oui !!!! » Et vous les faites venir comment, les gens, sur votre page ? « Par un concours… » Et vous diffusez comment votre concours ? « Par Facebook… » Est-ce que j’ai vraiment besoin d’aller plus loin ?
Vous l’aurez compris, ces élèves ont complètement fait abstraction des communautés, forums de fans, pages fans déjà existantes sur le sujet… Ils pensent qu’il suffit que leurs propres réseaux d’amis partagent l’information du concours pour que ça marche… (Un p’tit partage m’sieur dame, c’est pour une campagne). Ne parlons même pas du taux d’actifs sur une acquisition de membres par concours… et ça sur Facebook ou sur les forums, même combat. Donc en termes de stratégie communautaire, on reste aujourd’hui très limité, l’infiltration de forum, du CM de proximité sur les forums/blogs, etc … Enfin passer du temps auprès de nos cibles. Ah ? C’est à moi d’aller vers eux ?
3. Un réseau d’égo est-il vraiment un réseau ?
C’est une question que je me pose tous les matins dans ma douche. Comment l’égocentrisme, l’égoïsme et le nombrilisme a pu gangrener un système basé sur le don de soi et le partage… ? Pour ne froisser personne, je mettrai ça sur le dos des problèmes de générations et d’accessibilité. Il y a 10 ans, tout le monde n’avait pas Internet (11,9 millions d’internautes en France moins que le nombre d’inscrits sur Facebook aujourd’hui …) Maintenant il y a 38,23 millions de français internautes, ce qui fait qu’en seulement l’espace de seulement 10 ans, la population d’internautes à été multipliée par 3,2. Et pour en finir avec les chiffres, ce sont donc environ 27 millions de personnes qui ont inondé la toile sans en connaitre les mœurs, les codes, les principes. Pour la plupart, internet c’est magique, anarchique, libre … Si vous aviez un forum en 2001, vous avez du remarquer ce changement de comportement chez vos membres … Beaucoup moins de partage, beaucoup moins de discussion. En gros une discussion sur un forum se déroulait ainsi :
« – Hey, comment allez-vous, vous avez vu mon dernier site internet ?
– Salut comment tu vas ? Ton site me fait penser que je viens de terminer le mien, vous en pensez quoi ?
– Moi aussi voici le lien »
Etc. Dialogue d’égo, dialogue de sourd … Chacun essayant de placer son produit, sa blague, son jeu de mot. Et malheureusement quand on essayait de leur faire comprendre que c’était un lieu de partage et d’échange… Réponse : » De toute façon ton forum c’est de la merde, je me casse. » Une sympathique auto-exclusion en martyre exprimant tout simplement : » Je ne suis pas reconnu ? Alors je m’en vais ailleurs » Certains administrateurs s’excusaient de peur que ce départ provoque un choc. Malheureusement personne ne donnait de l’importance à ces départs, un égo en moins c’est une place qui se libère…
Par la suite est arrivé, la possibilité de créer des plateformes clés en main(forum, blog, etc …). A une époque pour créer un blog ou un forum, il fallait quelques connaissances techniques et ce n’était pas donné à tout le monde… Avec la simplification des outils, n’importe quelle personne peux créer un blog, un forum, une galerie d’images… Ce qui est très bien pour ceux qui ont quelque chose d’intéressant à dire… Mais pour les autres ? Rappelez vous du mouvement skyblog « Lachez des coms », « 1 com sur mon skyblog et je te lache 1 com sur le tient » …. (Tiens moi ça me rappelle quelque chose… mais si sur Twitter …. ah oui les followbacks)
Donc Internet à été envahi de sites / forums, et j’en passe, complètement inutiles, avec un contenu qui n’intéressait personnes, mais que le créateur pensait tellement intéressant, qu’il lui fallait envahir les lieux de discussions pour en parler. Caramail, Msn, les forums passions, IRC, tous les moyens étaient bons pour lâcher des coms. L’arrivé des forums éponymes a aussi été un grand moment que j’ai adoré vivre. Sur les forums de graphismes, quand un graphiste voyait qu’il avait un petit côté prophète, il s’en allait sur le mont Forumactif (plateforme pour créer un forum gratuit) et créait en 2 clicks un forum à son nom… jeanjeangfx89.forumactif.com. Et il invitait toutes les personnes qui adoraient ce qu’il faisait à le rejoindre sur son forum pour « partager »… Et donc ils se retrouvaient à 20 sur un forum mort né. Le forum fermait au bout de 1 semaine pour les prophètes de petites envergures mais certains en ont fait des institutions et même des références basées sur du vent, du mensonge et du plagiat…
A l’époque, on pouvait encore avoir le choix de ce qu’on voulait faire. D’un côté nous n’étions pas obligé de lire les messages trollesques de nos kikoulols, on pouvait les supprimer…. Mais aujourd’hui, nous avons Facebook, qu’il est génial cet outil, j’ai retrouvé des camarades de primaires qui ont fait de la prison, collectionneurs de pot de cornichon et qui t’invitent toute la journée à jouer à Farmville … Oui !! je suis content d’avoir retrouvé celui avec qui je jouais à Bioman dans la cour de récréation mais on a changé… Nous n’avons plus les mêmes passions, plus les mêmes envies, donc oublie moi !
Ah ! Parlons de nos nouveaux « amis ». Entre ceux qui ont une vie inintéressante, ceux qui écrivent leurs états d’âmes, ceux qui sont les rois de la citation philosophique, ceux qui partagent du contenu sans le lire, ceux qui travaillent en agence et qui t’invitent à aller voir leurs sites, ceux qui donnent leur avis sur pourquoi la terre va changer d’axe de rotation parce que les ours polaires vont marcher sur la calotte glacière de droite à gauche. Je subis l’information, je subis leurs vies, je subis leurs maux. Le pire c’est que quand ils sont heureux et bien ça me fait plaisir de voir qu’ils le sont…
Du coup, pour en revenir à ma douche du matin… Comment peut-on organiser le partage dans un lieu, où l’objectif est de parler de soi sans écouter l’autre parce que l’on n’a pas le temps ? Alors un matin je me suis inscrit sur Twitter … Oui ! Sur Twitter c’est moi qui choisis qui je suis. Qui j’ai envi de suivre. Qui je n’ai plus envi de suivre, sans choquer parce que nous ne sommes pas obligatoirement « ami » avec nos followers.
Je m’aperçois que sur Twitter, je retrouve le schéma communautaire que j’ai quitté sur les forums … Un groupe d’individu discutant entre eux, avec un groupe de suiveurs essayant de rentrer dans la petite sphère, des indépendants et des veilleurs ou curateur … Mince ça me rappelle une expérience faite sur des rats (Les rats plongeurs – expériences de différentiations sociales chez les rats) Dans cette expérience, que je vous invite à découvrir, les chercheurs ont mis 6 rats dans une cage leur nourriture dans une autre cage. Pour aller chercher la nourriture les rats étaient obligés de passer dans un tunnel d’eau. Ce qui est ressorti de cette expérience, c’est qu’il y est apparu 4 classes sociales : 2 dominants (Costauds et forts)qui forçaient 2 dominés à aller chercher la nourriture. 1 indépendant assez fort pour résister aux dominants qui allait chercher sa nourriture tout seul et 1 sous fifre, trop faible pour nager se nourrissait en ramassant les miettes des autres …. Cette expérience a aussi rapporté quelque chose d’intéressant… Les rats les plus stressés étaient les dominants, ce qui prouve tout simplement que ceux qui risque le plus dans cette histoire sont toujours ceux qui savent que leur pouvoir et leur influence sont éphémères et que cela ne risque de pas durer…
Alors pourquoi parler des rats sur un sujet traitant de l’égo, tout simplement parce que le schéma est en train de se reproduire sans que personne ne le voit. Pour s’intégrer dans une conversation ou un débat sur twitter quand vous n’êtes pas « influent » c’est très difficile (ou alors il faut avoir été présenté). La plupart du temps votre tweet est ignoré, l’ »influent » parle à l’ »influent », mince un système de caste…
J’exagère volontairement mes propos, je généralise beaucoup… Mais que voulez-vous ? Quand on a connu le monde du partage et quand on a vu ce qu’était une vrai communauté, la actuelle m’ennuie. Pourquoi parle-t-on de communauté alors que ce n’est qu’une suite d’individualités réunies dans un lieu ou personne ne s’écoute alors que tout le monde essaye de communiquer, une cacophonie de voix cherchant à crier de plus en plus fort pour être entendue, mais si personne n’essaye de t’écouter à quoi bon ….
2 réponses à “Communautés : Retour aux sources”
[…] On parle beaucoup dernièrement de révolution liée aux réseaux sociaux. Comme le soulignait Vincent Bézard il y a quelques jours, les réseaux sociaux ne sont pas tout neufs, et leur conceptualisation ne […]
[…] si nous nous plaçons à l’échelle évolutionniste. Vincent a écrit ce très bon poste sur le retour au source des Communautés qui résume assez bien ce que beaucoup trop oublient. Et pour finir quoi de mieux qu’un petit […]